MONICA

Gabrielle Chapdelaine


(c) D.R.

16 janvier 1998 : à la veille de la plus célèbre allocution du 42ème Président des États-Unis, Bill Clinton, une jeune femme se retrouve enfermée dans une chambre du Ritz de Washington.
Originaire de Californie, stagiaire à la Maison Blanche, elle a vingt-cinq ans et se nomme Monica Lewinsky. En une journée, elle passera de parfaite inconnue, figure candide et amoureuse, à maîtresse de l’homme le plus puissant du monde. Son prénom prendra un parfum de scandale, à jamais lié à l’affaire qui lui colle encore aujourd’hui à la peau. Piégée par sa collègue Linda, qui officie pour le compte des Républicains en pleines élections de mi-mandat, espionnée par le FBI, scrutée par les journalistes du monde entier et abandonnée par le président de la première puissance mondiale, Monica est le symbole même d’une démocratie qui perd la tête. 

Cette pièce raconte le moment de bascule dans la vie d’une femme américaine et de l’Amérique toute entière du point de vue de la première concernée, dont l’affaire porte tristement le nom : Monicagate. 

Une pièce-chorale et sororale pour retourner le stigmate avec humour.

Note d’intention

En découvrant MONICA, je me suis souvenue de mon expérience de lecture de Una Donna Sola de Franca Rame et Dario Fo. La pièce italienne, parue en 1977, mêlait farce et tragédie, ironie et sarcasme, amour et harcèlements et traitait déjà de l’enfermement physique et psychique. Ma lecture de MONICA s’est faite en écho à cette autre pièce. Deux discours puissants de femmes enfermées malgré elles se sont croisés dans mon esprit : l’un rédigé dans les années 70, l’autre écrit en 2017 dans le contexte MeToo. Malgré les années qui les séparent, ces deux oeuvres se rencontrent dans leurs sujets et leurs points de vue. Quand j’ai lu Una Donna sola, j’ai ressenti une extrême proximité personnelle et la nécessité de dire son histoire, même si l’époque n’était pas encore à la prise en considération de ces violences et à leur déconstruction. Dix ans plus tard, j’ai compris en lisant MONICA, que ces textes de femmes seules se répètent au fur et à mesure du temps : ils sont systémiques.

Pourtant, le fait que le thème de la femme enfermée soit un thème récurrent n’est pas anodin. Plus qu’une mise en abîme, c’est une réalité, une expérience de vie mise en exergue. En prenant appui et exemple sur la tragédie contemporaine de Monica Lewinsky, Gabrielle Chapdelaine tend à faire entendre les conséquences de l’aliénation et l’objectivation du féminin. À seulement 24 ans, Monica Lewinsky, stagiaire de la Maison Blanche va finir à la une des tabloïds, sur les plateaux TV, son nom jeté en pâture dans les tribunaux. Preuve de la dépossession totale de son histoire, on retient l’affaire qui a entaché le mandat de Bill Clinton sous le nom du « Monica Gate » (« Affaire Monica »), la coupant de son nom, de sa voix et de sa version des faits.

Dans sa pièce, Gabrielle Chapdelaine se concentre sur la journée qui précède l’audition de Monica Lewinsky. La jeune femme est enfermée dans une chambre du Ritz de Washington. Elle ne sait pas encore quel tournant va prendre sa vie à ce moment-là. L’autrice nous révèle l’envers du décor, l’histoire tue derrière le scandale, et c’est pour montrer cet autre côté que j’ai souhaité mettre en lecture MONICA.

Cette pièce m’a beaucoup parlé artistiquement et politiquement : au delà du fait de déconstruire l’image des femmes victimes, de retourner le stigmate en leur rendant toute leur puissance d’action et de pensée, j’aime travailler autour des figures d’icônes contemporaines en tant que symboles et mythes féministes.

Avec l’aide précieuse de Nam Du, j’ai imaginé ce huis-clos au Ritz comme un temps de décharge, sans honte ni jugement d’une jeune femme amoureuse, candide, mais surtout innocente, en pleine (dé)construction et (dés)illusion.
Durant sa quarantaine Monica se retrouve entourée de ses différentes personnalités qui forment un chœur loufoque, aussi libérateur qu’inquiétant. Les « Monicas », telles des furies ont toutes leur mot à dire sur la situation que traverse la jeune femme : conseils plus ou moins avisés, moqueries trash, traits d’esprit, discours féministes résonnent alors en cacophonie jusqu’à faire perdre la tête à Monica Lewinsky. Mais finalement toutes ont la même visée : libérer la protagoniste de sa vision idyllique du pouvoir et ce par tous les moyens.

Marie-Camille Le Baccon et Nam Du

lundi 29 avril 2024 | 19h

Mise en lecture Marie-Camille Le Baccon et Nam Du

AvecAyşe, Branwen Corbett, Abigaëlle Janssens-Rivallain, Lilea Le Borgne et Louise Saillard Rezaire


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