(c) Louis Chemin
Quelque chose s’est brisé dans la mécanique bien huilée de la vie d’Alexa, modératrice de contenus pour un grand réseau social dont le fondateur est visiblement dépassé par son succès. Comment tenter d’expliquer qu’elle en arrive à cacher la nature de son travail à son nouveau compagnon et à virer elle-même dans une violence irrépressible ? Dans le huis clos du bureau sous tension où elle travaille, elle n’est certainement pas la seule à subir moralement les conséquences de cette prise directe avec l’innommable sous toutes ses formes. Une journaliste investigue sur l’incident ayant provoqué le départ brutal d’Alexa. A travers des témoignages recueillis discrètement auprès de ses collègues, elle accède à un univers confidentiel où l’exposition aux pires images de notre monde déforme les contours de l’acceptable, sur les écrans comme dans les pratiques de travail.
Azilys Tanneau
Note d’intention
Vous avez déjà vu s’afficher sur votre smartphone l’image « contenu sensible » ? Vous avez déjà hésité à cliquer sur « Voir quand même » ? Vous l’avez peut-être déjà fait ; vous avez hésité avant ? Vous aviez peur de savoir ce que cette vidéo contenait de sensible ? Peur d’en faire un cauchemar la nuit ?
Derrière ces avertissements, il y a des modérateur.ice.s qui décident ce que le monde aurait le droit de voir ou non. Il y a des yeux qui eux, n’ont pas le choix et regardent ces vidéos de décapitations, ces suicides en direct, ces enfants, ces femmes, ces hommes tabassé.e.s…
La question a tout de suite été : comment faire entendre ce texte dans toute sa puissance, sa cruauté, sa réalité et surtout son humanité? Comment se retrouver dans ces personnages qui modèrent toute la journée, qui rentrent chez eux le soir hantés par les vidéos ? À travers un texte qui parle de bien plus de choses que le simple fait de modérer, qui parle d’amour, de maternité, d’amitié, de relations de travail, de peur du monde, de « micro-management » peut-être un peu trop déraisonné, de comment trouver sa place, je me suis tout de suite dit qu’il fallait se concentrer sur l’enquête de la journaliste : de quoi a-t-elle besoin pour comprendre Alexa ? Nous sommes toutes et tous les enquêteur.ice.s de cette histoire pendant un peu plus d’une heure.
La vraie question qui en ressort c’est : à la place d’Alexa, vous n’auriez pas fait pareil ?
Rose Noël