La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat

 

(c) Miliana Bidault

A l’invitation de l’ESCA, je vais intervenir pour un stage durant lequel je propose de travailler sur un texte de Joël Pommerat, La Réunification des deux Corées. Joël Pommerat est un auteur metteur en scène contemporain, fondateur de la compagnie Louis Brouillard.

La Réunification des deux Corées explore la complexité des liens amoureux. Ce n’est que vers la fin que Pommerat nous livre la clé de ce titre étrange, dans une scène où un homme rend visite à sa femme qui a perdu tout souvenir de leur histoire et vit chacune de leur rencontre comme une première fois : « …quand on s’est rencontrés c’était parfait. On était comme deux moitiés qui s’étaient perdues et qui se retrouvaient. C’était merveilleux. C’était comme si la Corée du Nord et la Corée du Sud ouvraient leurs frontières et se réunifiaient. ».

C’est une pièce qui parle de l’amour à travers le manque, de ce qui nous attache et nous déchire en même temps. Elle se déploie en vingt scènes courtes, chacune mettant en jeu un lien amoureux singulier. Elle offre ainsi une diversité de situations et de personnages.

« Le théâtre, c’est ma possibilité à moi de capter le réel et de rendre le réel à un haut degré d’intensité et de force. Je cherche le réel. Pas la vérité. On dit que mes pièces sont étranges. Mais je passe mon temps, moi, à chercher le réel. » Joël Pommerat, Théâtres en présence.

C’est une écriture qui semble être du quotidien et qui met en jeu des situations presque ordinaires. Mais presque seulement, car il y a toujours un décalage, un côté bancal, tordu, improbable, où la fiction vient s’immiscer. Réel et imaginaire vont ensemble dans cette écriture. Le réel devient poétique.

Comment aller au-delà de l’anecdote, comment sortir de l’interprétation naturaliste qui guette dans ce langage du quotidien, comment « révéler de la présence, présence qui est à la fois mystère et concret » ? C’est que nous allons explorer ensemble : rendre sensible, par le travail d’interprétation, la dimension tragique, universelle, contenue en chacune de ces histoires.

« Je vise quelque chose derrière l’action, les mots, la situation. Quelque chose qu’on ne doit pas pouvoir désigner simplement, quelque chose qui doit apparaitre, quelque chose qui doit s’immiscer, se glisser entre les lignes des gestes et des phrases prononcées comme une réalité fantôme bien plus présente, bien plus forte sous cette forme que si elle était désignée par le texte ou par le jeu des interprètes, par leurs intentions affirmées, soulignées. » (Ibid.)

Sylvie Reteuna

du 10 novembre au 18 décembre 2020

Stage dirigé par Sylvie Reteuna